A tous nos amis et membres du Centre PEN Suisse Romand *
Un ancien texte écrit avec du sang et de larmes au bout d’une plume brisée et d’une langue mutilée.
DISONS NON À LA PERSÉCUTION, LA DISCRIMINATION ET LA VIOLENCE À L’ÉGARD DES FEMMES ET DES FILLES
Nos filles et nos petites filles sont toutes des amies de Malala
À la veille de la Journée Internationale de la Femme, le Comité du PEN International de défense des écrivains persécutés et emprisonnés a fait paraître son bulletin semestriel Liste des Cas du 1er juillet au 31 décembre 2012. Il s’agit d’un rapport sur la situation des femmes et des hommes de lettres et de médias, des blogueurs indépendants et des avocats des droits de l’homme qui sont victimes de l’arbitraire, de l’intolérance, de la discrimination et de la violence. Des femmes et des hommes ont été menacés de mort, harcelés, agressés, arrêtés, torturés, emprisonnés, déportés ou même assassinés à cause de leurs opinions dissidentes ou leurs écrits critiques. Ou encore, pour la première fois, le cas de cette très jeune défenseuse des droits de l’homme Malala Yousafzai, une adolescente habitant la ville Mingora, dans la vallée de Swat (nord-ouest du Pakistan). Les talibans qui fouettent des femmes en public et font exploser des écoles, ont pris pour cible un bus scolaire dans lequel se trouvait cette écolière pakistanaise de 14 ans. Ils la criblaient de balles parce qu’elle avait commis un ‘’crime’’ : sa lutte courageuse pour le droit des filles comme des garçons à l’éducation. Une balle s’est logée tout près du cerveau de cette petite fille fragile comme une pétale de jasmin ou d’une fleur de lotus. Sans oublier deux autres écolières ont été blessées au milieu d’un vacarme d’enfer avec des regards de l’innocence terrifiés. La froide tentative de tuer Malala Yousafzai est devenue synonyme de la violence et de la discrimination à l’encontre des filles et des femmes. C’est une douloureuse tragédie nationale pour le Pakistan. C’est une honte révoltante pour la conscience de l’humanité toute entière, dont fait partie la communauté des écrivains membres de PEN International. D’autre ‘‘délit’’ ou ‘’crime’’ punissables, c’était d’être femmes engagées pour défendre les droits de l’homme et du citoyen, la liberté d’expression et de la presse, les prisonniers d’opinion et de conscience injustement condamnés. Et surtout, d’avoir élevé la voix, pris la plume pour plaider la juste cause des milliers de femmes démunies et opprimées. Pour dénoncer le drame des misérables paysannes dont leur terre et leur maison ont été confisquées et pillées. Et pour mettre en lumière les conditions de travail indignes des travailleuses et des travailleurs exploités sans défense parce qu’il n’existe pas de syndicat indépendant dans leurs pays.
À Malala et ses camarades d’école au Pakistan ou partout ailleurs dans le monde, nous dédions ces quelques vers écrits par un poète vietnamien il y a tout juste 50 ans : Que le fusil disgracieux – Ne vise plus la chevelure bleue – Ni le parvis du coeur – Où viennent chanter et danser les oiseaux…Que la paupière marquée par l’impact – Recouvre son teint rose et frais – Soit guérie la plaie – Sur le bout de la langue mutilée – De la poésie – Que les pages du manuscrit – Commencées par le mot Amour – Transforment les lignes qui suivent – En espérance fertile – Que les dimensions de demain – Soient à la portée d’aujourd’hui – Et la foi, en pas de lumière – Atteigne la mer d’étoiles – Divinement prodigieuse – Que l’inspiration se cristallise – A travers la voix ingénue – De la source vive limpide – Soudain, à merveille, le lotus émet la parole – Ravie, l’âme souffrante sourit. (Que L’Espoir déploie ses ailes NHBV).
Pour rappel, 870 cas d’attaques ont été recensés pour toute l’année 2012. Il s’agit d’assassinats ou de disparitions forcées, de condamnations à des peines de prison, de menaces de morts ou d’agressions, de détentions préventives ou de mesures de contrôle judiciaire avant des procès inéquitables. Parmi des centaines détenus d’opinion, au moins 157 écrivains purgent de longues peines de prison dans des pays comme la Chine, le Viet Nam, la Turquie, l’Erythrée et l’Ouzbékistan. Pire encore: 76 auteurs ont été réduits au silence absolu par des assassinats et enlèvements, l’ultime et sinistre forme de censure. Des pouvoirs dictatoriaux et corrompus ainsi que des groupes armés de criminalité dans certains Etats partagent la responsabilité d’être coupables et/ou complices de ces crimes odieux. Les nouveaux disparus, surtout des femmes, ravivent notre mémoire sur la mort douloureuse d’Anna Politkovskaya, assassinée en octobre 2006 à Moscou. Ou encore : au Mexique, le corps mutilé de la poète Susanna Chávez Castillo avait été retrouvée le 6 janvier 2011. Elle avait été étranglée, sa main gauche coupée. Le 4 juillet 2011, Angel Castillo Corona, avait été tué avec son fils de 16 ans. Le 1er septembre 2011, Ana Maria Marcela Yarce Viveros et Rocio González Trápaga avaient été tuées par asphyxie, une corde autour du cou, pieds et mains attachées dans un parc de la capitale. L’année dernière, citons pour exemple, le 28 avril 2012, Regina Martnez, journaliste mexicaine, a été retrouvée battue et étranglée à mort chez elle à Xalapa, capitale de l’État de Veracruz. Le 26 septembre 2012, Chaitali Santra, journaliste indienne, a été tuée par un colis piégé qu’elle a ouvert à son domicile à Howrah, dans l’ouest du Bengale. Son mari aurait également été gravement blessé dans l’explosion. Toujours en Asie, pour la première fois de son histoire, le Viêt Nam a vécu une tragédie humaine sans précédente. Mme Dang Thi Kim Liêng (64 ans), mère de Ta Phong Tân, journaliste-blogueuse, était décédée le 30 juillet 2012 après s’être immolée par le feu pour protester contre la détention arbitraire de sa fille depuis septembre 2011. En dépit de la mort de sa mère, Ta Phong Tan était condamnée le 24 septembre à 10 ans de prison et 5 ans de détention probatoire pour ‘’propagande contre l’Etat socialiste’’.
Aujourd’hui, les femmes et les filles victimes de discrimination et de violence sont devenues de plus en plus nombreuses dans plusieurs pays. Et les prisonnières politiques, d’opinion et de conscience aussi. Ces femmes ne cessent de revendiquer leurs droits légitimes face à la féroce répression. Elles ont déjà maintes fois fait entendre leur voix dans les rues de tous les coins de la planète. La 102ème Journée Internationale de la Femme nous appelle à ne pas les oublier. Avec une rose et une bougie dans notre coeur reconnaissant, rendons hommage à ces braves femmes disparues, connues ou inconnues, que les grands criminels du 21ème siècle et leurs complices avaient abattues, torturées et assassinées, souvent en toute impunité. Élevons notre voix d’être humain libre, juste et solidaire. Remémorons-nous certains noms de femmes – d’une épouse, d’une mère, d’une sœur, d’une cousine ou d’une voisine courageuses qui ont osé dire et écrire le mot NON au risque de leur vie. NON à l’injustice, à la violence, au mensonge, aux pouvoirs totalitaires, ultra intégristes ou corrompus, aux groupes mafieux ou paramilitaires. Non aussi au fléau du viol qui sévit en Inde et dans d’autres sociétés. Remémorons-nous certains noms de femmes adorables, telles des fleurs humaines. Parmi tant d’autres, au Pakistan avec Malala Yousafzai; en Inde, Tongam Rina et Shaheen Dhada; au Mexique, Lydia Cacho Ribeiro et Olga Wornat; au Viêt Nam, Ta Phong Tan, Hô Thi Bich Khuong, Lê Thi Kim Thu, Nguyên Dang Minh Mân, Dang Ngoc Minh et Nguyên Phuong Uyên; en Ethiopie, Reeyot Alemu, Désiré Ename et Blaise Mengue Menna; en Erythrée, Astier Feshatsion, Yirgalem Asfha, Yirgalem Fisseha Mebrahtu; en Gambie, Bintah Bah; au Libéria, Mae Azago; au Rwanda, Agnes Uwimana, Saidati Mukakibibi; en Somalie, Somaia Ibrahim Ismail; au Zimbabwe, Patience Nyangove; aux Philippines, Jessie Mungcal; au Sri Lanka, Frederica Jansz; en Thailande, Chiranuch Premchiporn; en Russie, Nadejda Tolokonnikova, Maria Alekhina, Oksana Chelysheva et Yekaterina Samutsevic; en Espagne, Teresa Toda; en Turquie, Pinar Selek (prison à vie), Ayse Bektay, Busra Ersanli, Semiha Alankus, Nevin Erdemir, Cigdem Aslem, Yerlikaya Babi, Arzu Demir, Delek Demiral, Nahide Ermis, Sibel Guler, Sultan Gunes, Fatma Kocak, Zeynep Kuray, Ayle Oyman, Eylem Surmeli, Zuhal Tekiner, Nilgun Yildiz, Hamdiye Ciftii, Hatice Duman, Zeynep Kuray, Cicek Tahaoglu, Sibel Yalin Yadeniz, Muge Tuzcuoglu et Funda Uncu; au Bahreïn, Zainab Al Khawaja; en Iran, Shiva Nazar Ahari, Julia Bani Yaghoub, Manijeh Najm Eraghi, Nazanin Khosravani, Hengameh Shahidi, Nasrin Soutadeh, Rayhaneh Tabatabace et Nargess Mohammadi; en Chine : Liu Xia (poète et épouse du Prix Nobel de la Paix Liu Xiaobo); Gulmire Imin (d’origine Ouïghoure; Huuchinhuu Govruud (d’origine Mongole); en Israël, Ana Kamm; en Syrie, Noura Al-Jizawi (disparue), Tal Al-Mallouhi, Yara Badr, Razan Ghazzawi, Mayada Khalil, Thannaa Al-Zitani et Hanadi Zahlout; en Colombie, Angye Gaona; à Cuba, Dania Virgen Garcia, Yaremis Flores, Yoani Sanchez, Laritza Diversent et Aini Martin Valero; au Guatemala, Carolina Vasquez Araya; à Trinité-et-Tobago, Denyse Renne et Asha Javeed; aux Etats-Unis d’Amérique, Cynthia R. Lambert et Janet Hassan.
Nguyên Hoàng Bao Viêt, PEN Suisse Romand (CODEP/WIPC)
Extrait de TIME TO SAY : NO !, Rédaction : PHILO IKONYA @ HELMUTH A. NIEDERLE (Eds.)
Contributions : 195 auteurs-membres du PEN International . Multilingue. Editeurs : AUSTRIAN PEN CLUB – LÖCKER WIEN 2013